L’inégalité entre les genres persiste dans les postes à responsabilité
La présence de femmes leaders influence l’ampleur de l’accent mis sur l’égalité des genres dans les politiques et dans la pratique (Clots-Figueras, 2012; Smith, 2014). Les femmes qui exercent des responsabilités tendent à favoriser une redistribution équitable des ressources, et les législatures où les femmes sont en moyenne plus nombreuses tendent à soutenir les dépenses de santé, d’éducation et d’aide sociale aux dépens de la défense. Sur 103 pays, les pays qui confient un mandat à un pourcentage de femmes dans leur législature dépensent 3,4 points de pourcentage de plus en aide sociale que les autres (Chen, 2010). Cependant, le maintien de la domination masculine aux postes de décision limite la voix des femmes et leur capacité à influencer la conception de politiques aux niveaux international, central, local, des écoles et des communautés.
LES FEMMES SONT SOUS-REPRÉSENTÉES AUX POSTES DE DIRECTION DE L’ONU ET DES ORGANISATIONS HUMANITAIRES
Les femmes sont sous-représentées aux niveaux supérieurs des organisations internationales qui influencent le dialogue sur l’éducation au niveau mondial. L’ONU reconnaît que la parité entre les genres au sein de l’organisation est une « première étape cruciale pour orienter le système en faveur de l’égalité des genres dans l’éducation » (United Nations, 2017). Même ainsi, les efforts visant à assurer l’égalité de représentation aux postes à responsabilité ne sont pas à la hauteur, avec une relation négative entre ancienneté et part des femmes. L’UNICEF a fait des progrès en exigeant une expertise supérieure en matière d’égalité des genres et en faisant de la parité parmi les hauts dirigeants l’un des cinq points d’évaluation de l’organisation en termes d’égalité des genres (UNICEF, 2015). Un groupe de travail chargé d’examiner l’ONU dans son ensemble a fixé 2026 comme année cible pour la parité à tous les niveaux du système (United Nations, 2017).
Au mois d’octobre 2017, 16 des 21 administrateurs de l’OCDE et 7 des 8 responsables d’agences et entités spéciales étaient des hommes (OECD, 2017c). La Banque mondiale ne fournit pas de données sur les ratios de son personnel ; sa stratégie en matière d’égalité des genres cible l’extérieur et le traitement des iniquités dans les projets qu’elle finance (World Bank, 2015).
Pour ce qui concerne les organismes d’aide bilatérale, la représentation des femmes au sein de trois des dix plus grands donateurs était paritaire en 2015. Aux États-Unis, l’Agence des États-Unis pour le développement international a développé un programme d’incitation pour la promotion des femmes s’intéressant aux questions d’égalité des genres, et 44 % des postes supérieurs des services extérieurs sont occupés par des femmes, qui représentent 53 % de tout le personnel (USAID, 2016). Au Royaume-Uni, seulement 43 % des postes supérieurs de service civil du ministère du Développement international sont occupés par des femmes, qui représentent 55 % de tout le personnel du ministère (DFID, 2016). En Australie, si 57 % de tout le personnel du ministère des Affaires étrangères et du Commerce sont des femmes, seulement 34 % des fonctions exécutives et 27 % des postes de chargés de missions sont occupés par des femmes. L’organisation a identifié des contraintes culturelles internes qui peuvent freiner la candidature des femmes à des postes plus élevés (DFAT, 2015).
LES FEMMES SONT SOUS-REPRÉSENTÉES AUX POSTES DE DIRECTION DE L’ONU ET DES ORGANISATIONS HUMANITAIRES
Sur le plan national, les femmes sont sous-représentées à tous les postes d’autorité. En octobre 2017, sur 193 pays de l’ONU, 11 avaient une femme chef d’État et 12 une femme à la tête du gouvernement (UN Women, 2017). Dans les parlements, seuls les pays nordiques sont proches d’une représentation paritaire, les femmes occupant 41 % des sièges parlementaires. Dans toutes les autres régions, moins de trois parlementaires sur dix sont des femmes : 28,5 % dans les Amériques, 26 % en Europe (hors pays nordiques), 24 % en Afrique subsaharienne, 19 % en Asie, 18 % dans le Pacifique et 17,5% dans les États Arabes (Inter-Parliamentary Union, 2017).
Plus de 75 pays ont établi des quotas afin de s’assurer que plus de femmes exercent des fonctions dirigeantes (O’Brien and Rickne, 2016). Les premiers pays concernés comprennent l’Ouganda qui, en 1989, a réservé 18 % des sièges de son parlement aux femmes, et l’Argentine qui, en 1991, a exigé que 30 % des candidats des partis soient des femmes (Hughes et al., 2015).
L’examen de 149 pays entre 1989 et 2008 montre que l’adoption de quotas devient de plus en plus courante au fur et à mesure que le mouvement international des femmes se renforce (Hughes et al., 2015). Fin 2015, près de la moitié des pays d’Amérique latine et des Caraïbes avaient adopté des quotas législatifs. Selon des enquêtes réalisées dans 24 pays de la région, les quotas bénéficient d’un soutien global. Au Salvador, 53 % des personnes interrogées sont favorables à la réservation par l’État de places sur les listes de candidats au profit des femmes. Les citoyens des pays connus pour leur bonne gouvernance sont encore plus favorables aux quotas (Barnes and Córdova, 2016).
La fourchette concernée par des quotas varie selon les pays. Au Niger, l’objectif porte sur une représentation de 10 % de femmes au parlement, tandis qu’au Panama, cet objectif est de 50 % (Sojo et al., 2016). En Azerbaïdjan, un décret gouvernemental pris en 2000 prévoyait qu’au moins une femme figure parmi les dirigeants exécutifs de chaque région (Safikhanli, 2014). Le Mexique est passé d’un objectif de 30 % de femmes sur les listes de candidats en 2002 à 40 % en 2014 (Sojo et al., 2016).
Les quotas augmentent le nombre de femmes élues dans un pays et entraînent l’élection de représentants mieux qualifiés. Entre 1970 et 2006, sur 103 pays, la proportion de législatrices était, dans les pays ayant adopté des quotas de genres, supérieure de cinq points de pourcentage à celle des autres pays (Chen, 2010). Suite à la mise en œuvre, en 1993, d’un quota exigeant que 50 % des candidats locaux du Parti social-démocrate suédois soient des femmes, la proportion de femmes élues a augmenté de 10 % (O’Brien & Rickne, 2016). En Italie, les quotas municipaux ont entraîné la hausse du nombre de femmes élues ; celles-ci avaient en outre, en moyenne, un niveau d’éducation supérieur à celui des hommes élus (Baltrunaite et al., 2016). Une augmentation du nombre de candidates a également été observée en Ouganda (O’Brien, 2012).
Au Pakistan et aux Samoa, des pays où les femmes sont largement sous-représentées aux postes de pouvoir, des progrès marginaux ont été observés suite à la mise en place de quotas minimaux. Dans la province du Pendjab, au Pakistan, les quotas de femmes ont augmenté, passant de 5 % à 15 % en 2016/7 (Agha, 2016). En 2013, le parlement samoan a adopté une loi exigeant que 10 % des parlementaires soient des femmes. Étant toutefois entendu que les parlementaires doivent avoir le titre de chef de famille (matai) et que seulement 11 % des personnes qui en bénéficient sont des femmes, l’accès des femmes au parlement doit faire l’objet d’efforts accrus (Office of the Ombudsman and NHRI Samoa, 2015).
La mise en place légale d’objectifs de quotas peut influencer le niveau de réussite des quotas. Une analyse de 63 pays s’étant fixés des objectifs législatifs a conclu que les pays dotés de mécanismes d’application de quotas plus stricts avaient un pourcentage plus élevé de femmes élues dans les organes législatifs et se rapprochaient plus des objectifs annoncés. En Irak, si l’objectif de 25 % de sièges n’est pas atteint, les femmes non élues ayant recueilli le plus grand nombre de voix sont sélectionnées. En Guyane, une commission électorale indépendante vérifie la conformité des listes de candidats (Sojo et al., 2016).
LES FEMMES SONT CONFRONTÉES À UN PLAFOND DE VERRE AUX POSTES DE DIRECTION DANS LES ÉCOLES ET LES UNIVERSITÉS
La féminisation du corps enseignant dans la plupart des pays est un phénomène bien connu, mais une attention moindre est portée au déséquilibre continu en faveur des hommes aux postes à responsabilité dans l’éducation. Ce déséquilibre a un contexte : Les femmes représentent souvent la majorité des fonctionnaires, mais elles tendent à se concentrer aux postes à moindre responsabilité. Dans les pays de l’OCDE, les femmes représentaient 57 % de la main d’œuvre des administrations, occupaient 65 % des emplois de secrétariat, exerçaient 35 % des fonctions managériales intermédiaires et 27 % des fonctions managériales supérieures en 2010 (OCDE et EUPAN, 2015).
Dans l’enseignement, les femmes qui occupent des postes à responsabilité jouent le rôle de modèles qui peuvent encourager les étudiantes à poursuivre leurs études (Kagoda, 2011), ce qui est particulièrement important dans les pays où le niveau de réussite des filles dans l’éducation est faible (Mulkeen et al., 2007). Au Malawi, les enseignants du primaire considèrent l’absence de modèles féminins à suivre comme l’une des quatre principales raisons des mauvaises performances des filles, devant les mariages et les grossesses précoces (Mzuza et al., 2014). Le personnel féminin peut également rassurer les parents quant au fait que les écoles offrent un environnement sûr et accueillant, comme en atteste la situation en Guinée et en Sierra Leone (UNGEI, 2017).
La plupart des pays ne recueillent et ne publient pas régulièrement des données sur les genres dans les postes à responsabilité de l’enseignement. Lorsqu’ils le font, elles ne sont pas souvent publiées, ou des données de différentes sources doivent être rapprochées. Lorsque des données de sources nationales sont disponibles, elles ne sont généralement pas facilement comparables d’un pays à l’autre : les définitions et les titres diffèrent autant que les niveaux d’éducation auxquels les données sont agrégées ou publiées. Les tentatives de rapports transnationaux préfèrent montrer les résultats de chaque pays séparément.
Les enquêtes transnationales en milieu scolaire qui sont soumises aux chefs d’établissement, comme l’étude PISA et l’étude TIMSS, ne demandent pas le sexe des personnes sondées. L’Enquête internationale sur les enseignants, l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), qui s’adresse principalement aux enseignants du premier cycle du secondaire, est l’une des rares à demander si le chef d’établissement est un homme ou une femme. Bien que l’estimation de TALIS soit basée sur un échantillon, et non sur un recensement des établissements scolaires, elle est globalement conforme aux données administratives publiées par Eurostat concernant le personnel d’encadrement éducatif dans l’UE et dans les pays de l’Espace économique européen. Eurostat inclut les chefs d’établissement, leurs adjoints et l’ensemble du personnel d’encadrement ayant des responsabilités similaires, mais pas le personnel d’appui administratif.
Les données montrent que les inégalités persistent aussi aux postes à responsabilité de l’enseignement dans les pays de l’OCDE. Dans la plupart des pays, la part des hommes parmi les chefs d’établissement est plus élevée que parmi les enseignants. En moyenne dans les pays de l’OCDE, 68 % des enseignants du premier cycle du secondaire sont des femmes, mais les femmes représentent seulement 45 % des chefs d’établissement (Van Damme, 2017). Les femmes sont surtout sous-représentées dans certains pays : au Japon, 39 % des enseignants du premier cycle du secondaire sont des femmes, mais elles ne représentent que 6 % des chefs d’établissement. En République de Corée, ces parts étaient respectivement de 68 % et 13 % (Figure 9).
Lorsque des données sont disponibles pour différents niveaux, la proportion de femmes qui occupent des postes de direction diminue avec l’augmentation du niveau. En Autriche, par exemple, 79 % des chefs d’établissement étaient des femmes dans l’enseignement primaire, pour seulement 32 % dans le premier cycle du secondaire. En Suède, ces proportions étaient de 73 % dans le primaire et de 45 % dans le deuxième cycle du secondaire (European Commission/EACEA/Eurydice, 2013). Au Rwanda, 30 % des chefs d’établissement du primaire et 19 % du secondaire étaient des femmes (USAID, 2014).
La proportion de chefs d’établissement de sexe féminin est néanmoins en hausse. Par exemple, aux États-Unis, le pourcentage de chefs d’établissement de sexe féminin dans l’enseignement public est passé de 35 % en 1993/94 à 52 % en 2011/12 (NCES, 2016). Du fait que les chefs d’établissement sont généralement recrutés au sein du personnel enseignant et que l’expérience augmente la probabilité d’être recruté, la proportion globale de femmes au sein de la direction des établissements scolaires devrait continuer à augmenter.
Les femmes sont encore moins nombreuses à occuper des postes de direction dans l’enseignement supérieur. En 2009, seuls 13 % des établissements des 27 pays de l’UE étaient dirigés par des femmes (Morley, 2014). Une enquête menée dans les pays du Commonwealth montre qu’en 2006, 9 % des 107 établissements d’enseignement supérieur d’Inde étaient dirigés par des femmes, et seulement 1 % des 81 établissements d’enseignement supérieur dans les pays anglophones d’Afrique subsaharienne. Les proportions augmentaient pour les postes de niveau inférieur : en Inde, 20 % des doyens et 23 % des chefs ou directeurs de département étaient des femmes, et dans les pays anglophones d’Afrique subsaharienne, les femmes exerçaient 13 % des fonctions de doyen et 18 % des fonctions de chefs ou directeurs de département (Singh, 2008).
En Europe, 18 % de l’ensemble des professeurs d’université sont des femmes (Vernos, 2013), pour 26 % en Inde (Morely and Crossouard, 2014) et 27 % en Australie (Universities Australia, 2017). Aux Pays-Bas, 5 millions d’EUR supplémentaires ont été alloués en 2017 à la réduction des disparités en recrutant 100 femmes professeures supplémentaires (OECD, 2017b). À l’Université de Makerere, en Ouganda, bien que la part des maîtres-assistants femmes ait augmenté de 19 % en 1996 à 33 % en 2008, le pourcentage de professeures ou de professeures assistantes n’a augmenté que de 4 % à 12 % (Kagoda, 2011).
LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX COMITÉS DE DIRECTION DES ÉCOLES EST ÉGALEMENT LIMITÉE
Le comité de direction d’une école a de nombreux devoirs. Outre le suivi des performances des enseignants et des étudiants, il peut aussi avoir à prendre des décisions sur le personnel scolaire, les programmes, etc. (BarreraOsorio et al., 2009; Bruns et al., 2011; Demas and Arcia, 2015). Faire partie de ces comités améliore l’accès des femmes aux informations et leur permet de s’assumer (Masue and Askvik, 2017). En Inde, une présence plus importante des femmes aux postes à responsabilité a été associée à la progression des résultats des évaluations des filles (Beaman et al., 2012).
Les femmes sont toutefois souvent sous-représentées dans les comités de direction et, lorsqu’elles y exercent des fonctions, elles tendent à être affectées à des rôles liés aux questions sociales plutôt qu’exécutives ou financières. Par ailleurs, même lorsqu’elles font partie de ces comités, les femmes peuvent hésiter ou se sentir incapables de participer pleinement aux discussions.
Au Guatemala, la participation des femmes est limitée par une culture machiste où il est considéré que le rôle principal des femmes est de prendre soin des enfants et de la famille. Dans une étude de cas portant sur quatre écoles communautaires, aucune femme ne participait aux comités de direction (Gershberg et al., 2009). Un vaste programme d’amélioration des écoles initié dans six États du Nigeria en 2009 prévoyait des interventions visant à augmenter l’engagement communautaire dans la direction des écoles. La participation des femmes aux comités s’est améliorée, mais est restée faible. Seulement 30 % des écoles ont atteint le point de référence d’une femme participant à au moins deux réunions, pour une fourchette allant de 11 % pour l’État de Jigawa à 72 % pour l’État de Lagos (Daga, 2016).
Des quotas ont été adoptés afin de stipuler une présence proportionnelle dans la direction des écoles. En Inde, la moitié des membres des comités de direction des écoles publiques est censée être composée de femmes. Ce quota est de trois sur dix au Bangladesh. Des quotas ont également été adoptés en République-Unie de Tanzanie. Les hommes restent néanmoins plus nombreux et continuent de dominer le processus décisionnel (Masue, 2014).