L’éducation dans les autres ODD : la question du genre dans la santé, l’eau, l’assainissement et l’agriculture
En contribuant à développer les capacités professionnelles de chaque secteur et parce que l’éducation influence la réalisation des autres résultats de développement, la formation et l’éducation sont des éléments clés de la réalisation des ODD.
L’éducation contribue à développer les capacités des femmes et des hommes à mettre en œuvre des stratégies de développement…
Chaque secteur a besoin de suffisamment de professionnels qualifiés pour assurer la prestation des services et toutes les stratégies en matière de ressources humaines du secteur privé doivent se concentrer sur l’intégration afin que les hommes et les femmes puissent participer à part égale aux effectifs. Une plus grande attention doit être accordée aux obstacles institutionnels auxquels sont confrontées les femmes travaillant dans les secteurs de la santé, de l’eau et de l’assainissement, et de l’agriculture, ainsi qu’aux stéréotypes de genre dans toutes les professions.
…DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ
Les femmes jouent un rôle central dans les effectifs des soins de santé (Langer et al., 2015). Les infirmières, le personnel soignant communautaire et les aides à domicile sont principalement des femmes. Une estimation a suggéré que, dans de nombreux pays, les femmes constituent plus de 75 % des effectifs de la santé (WHO, 2008). L’ODD 3, objectif 3.c, vise à augmenter le financement de la santé et à améliorer le recrutement, le développement, la formation et la rétention du personnel de la santé dans les pays les plus pauvres. En appliquant un seuil minimum de 4,45 médecins, infirmières et sages-femmes pour 1 000 personne, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’il y avait une pénurie mondiale de 17,4 millions de travailleurs de la santé en 2013, dont une pénurie de 2,6 millions de médecins et de 9 millions d’infirmières et de sages-femmes (WHO, 2016). Les pays qui supportent la plus lourde charge de morbidité sont aussi ceux avec la plus faible densité de professionnels de santé, le même constat s’appliquant à l’intérieur des pays, avec des zones rurales en retard sur les zones urbaines (Crisp and Chen, 2014).
En ce qui concerne les soins infirmiers, la plus récente vision stratégique mondiale privilégie l’éducation et le recrutement, l’amélioration de la participation à l’élaboration des politiques de santé, les partenariats de collaboration, et une volonté politique accrue d’investir dans des soins infirmiers et de sages-femmes efficaces fondés sur des données probantes (WHO, 2016). La pénurie d’enseignants dans les écoles d’infirmières est également un problème ; l’absence d’incitation adéquate dans les programmes d’études, la réduction des postes équivalents temps plein et la migration mondiale des infirmières sont des facteurs de réduction du personnel formé disponible pour fournir un enseignement en soins infirmiers (Nardi and Gyurko, 2013). Une étude réalisée en 2010 sur les établissements de formation du Kenya a révélé des inégalités entre les genres qui devaient être traitées. Les hommes et les femmes étaient concentrés dans différentes catégories, la pharmacie étant par exemple considérée comme un métier d’homme. Bien que la profession infirmière soit largement féminisée, 80 % des professeurs des établissements spécialisés dans les soins infirmiers étaient des hommes (Newman, 2014)
Dans certains pays, des efforts ont été déployés pour recruter plus d’hommes en soins infirmiers. La nécessité de lutter contre le stéréotype selon lequel le métier d’infirmière est une profession féminine est un obstacle majeur au recrutement d’hommes. Aux États-Unis, des institutions ont été mises en place pour lutter contre les stéréotypes relatifs à la profession. L’American Assembly for Men in Nursing, par exemple, encourage les hommes à s’inscrire aux programmes infirmiers dans le but d’augmenter la participation des hommes de 20 % d’ici 2020 (AAMN, 2018; MacWilliams et al., 2013).
Les agents de santé communautaires qualifiés jouent un rôle important dans la réduction des pénuries de personnel (UNESCO, 2016a). Les agents de santé communautaires sont généralement des résidents locaux qui ont une éducation de base et reçoivent une formation professionnelle. Les stratégies de rémunération varient, allant du bénévolat aux postes rémunérés (Olaniran et al., 2017). Les agents de santé communautaires ont considérablement contribué à la réduction de la mortalité maternelle et infantile à travers le monde. Aux ÉtatsUnis, ils contribuent également à réduire la charge de morbidité due aux maladies non transmissibles, telles que l’hypertension et les problèmes cardiovasculaires, en particulier pour les populations difficiles à atteindre (Perry et al., 2014). En ce qui concerne l’acceptation par la communauté, une analyse de la République-Unie de Tanzanie a constaté que les hommes étaient plus susceptibles d’être à l’aise avec des hommes et les femmes avec des femmes pour discuter de questions de santé (Feldhaus et al., 2015).
Au Brésil, en Éthiopie, en Inde et au Pakistan, les programmes en faveur des agents de santé communautaires ont été considérablement renforcés, et les pays ont pris des mesures pour intégrer les travailleurs communautaires dans les systèmes de santé (Zulu et al., 2014). En vertu du programme du service spécial de la santé publique brésilien, par exemple, 240 000 professionnels de la santé rendent visite à domicile à 110 millions de personnes. Au Pakistan, plus de 90 000 travailleurs touchent 70 % de la population rurale grâce au programme des femmes agents de santé. L’Inde a l’un des systèmes les plus développés, qui comprend 800 000 agents sanitaires et sociaux accrédités, 1,2 millions de travailleurs anganwadi (la santé mère-enfant locale) et plus de 200 000 sages-femmes infirmières (Perry et al., 2014). En reconnaissance de l’importance de ce type de programme, 23 pays ont annoncé en 2017 des projets visant à institutionnaliser les systèmes de santé communautaires en collaboration avec l’USAID, l’UNICEF, l’OMS et la Fondation Bill et Melinda Gates (Zambruni et al., 2017).
Plusieurs obstacles doivent être franchis pour améliorer les conditions de travail des professionnels de la santé. Dans les secteurs des soins infirmiers, de la santé communautaire et des soins à domicile, on observe que les femmes doivent s’adapter et faire face, dans leur profession, à des obstacles systémiques qui renforcent les inégalités entre les genres dans le système des soins de santé et la société (George, 2008). Les femmes agents de santé communautaires restent sous-exploitées, sous-payées, surchargées de travail et insuffisamment soutenues (Zambruni et al., 2017). Les agents de santé communautaires souffrent par ailleurs souvent de violences sexistes, et des efforts doivent être faits pour leur fournir un environnement de travail sûr (HIFA, 2017).
…DANS LE SECTEUR DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT
Une plus grande participation des femmes est nécessaire si l’on souhaite atteindre l’objectif 6.b, l’amélioration de la participation des communautés locales à l’amélioration de la gestion de l’eau et de l’assainissement. Parmi les travailleurs de la communauté dans le secteur de l’assainissement, les femmes sont en première ligne, et pourtant, dans certains contextes, les hommes sont les principaux décideurs en termes d’investissements et de construction de latrines.
Le secteur de l’assainissement est confronté à une importante pénurie de professionnels qualifiés. Réalisée en 2012 auprès de 74 pays en développement, l’évaluation annuelle de l’état de l’assainissement et de l’eau potable dans le monde (GLAAS) a montré que les femmes représentaient moins de 10 % de la main-d’œuvre professionnelle dans la moitié des pays étudiés (WHO and UN Water, 2012). Une analyse de 12 pays à revenu faible et intermédiaire a conclu que les femmes représentaient 17 % des effectifs, en moyenne, pour 7 % en Papouasie-Nouvelle-Guinée au plus bas et 35 % au Burkina Faso et en Afrique du Sud au plus haut (International Water Association, 2014).
Les politiques qui visent à améliorer l’équilibre entre les genres dans les services de l’eau doivent inclure des améliorations dans l’éducation, des investissements dans les réseaux et une utilisation accrue des outils juridiques (Das and Hatzfeldt, 2017). Au Pérou, le gouvernement a promulgué une loi d’égalité des chances en 2007 pour aborder la gouvernance et les relations entre les genres. Les gouvernements locaux ont adopté cette loi et, dans les petites villes, les fournisseurs d’eau ont introduit des réformes pour faire en sorte que les hommes et les femmes soient représentés de manière égale dans les conseils de surveillance de la gestion de l’eau. En République-Unie de Tanzanie, la politique nationale de l’eau requiert que les comités de l’eau des communautés locales s’assurent de l’équité de la représentation des hommes et des femmes et mettent en œuvre une politique de recrutement basée sur le mérite et tenant compte des genres. En Ouganda, les réformes entreprises après une évaluation institutionnelle en 2003 ont augmenté la représentation des femmes aux postes de direction du ministère de l’Eau et de l’Environnement de 0 % à 18 % (Water and Sanitation Program, 2010).
En Afrique du Sud, la Politique nationale Genre recommande que les femmes rurales reçoivent une formation sur la gestion et la réparation des pompes et des systèmes d’approvisionnement en eau. Le projet Working for Water a créé 180 000 emplois à plein temps au cours des deux dernières décennies et a permis que 52 % des bénéfices tirés des formations et de la génération de revenus profitent aux femmes en exigeant que les ressources soient attribuées en tenant compte des spécificités liées au genre (International Water Association, 2016)
… ET DANS LE SECTEUR AGRICOLE
Le travail agricole est souvent considéré comme un domaine masculin, malgré le fait que les femmes représentent environ la moitié des effectifs de ce secteur à travers le monde. Dans les pays riches, il y a eu une résurgence des agricultrices et un intérêt croissant des femmes pour l’enseignement supérieur agricole. Au Royaume-Uni, le nombre de femmes qui dirigent des fermes a augmenté de près de 10 % entre 2010 et 2013, et 28 % des agriculteurs sont des femmes. Les cours liés à l’agriculture dans les universités et collèges ont attiré 25 % plus de femmes que d’hommes en 2015 (UK DEFRA, 2016). En Australie, depuis 2003, les inscriptions de femmes dans les universités agricoles ont dépassé celles des hommes, l’agriculture étant aujourd’hui considérée comme tout aussi appropriée pour les deux sexes (Pratley, 2017).
Les femmes représentent moins de la moitié des chercheurs agricoles employés dans le secteur public, les universités et les organisations à but non lucratif, mais on observe des écarts importants entre les pays (Figure 10).
Dans 39 pays d’Afrique subsaharienne, environ 27 % des chercheurs étaient des femmes. Comme dans de nombreux autres secteurs, la participation des femmes aux postes de niveau supérieur diminue et les femmes font face à de nombreux défis avant et pendant leur carrière scientifique (Beintema, 2014).
L’éducation a des interactions importantes avec la santé, l’eau et l’assainissement, et l’agriculture
L’éducation influence et est influencée par les défis relatifs au développement. Cette section discute d’exemples de relations entre éducation et résultats dans trois secteurs.
L’éducation influence les comportements de prévention des maladies non transmissibles
En 2012, les maladies non transmissibles dont les cancers, le diabète, et les maladies respiratoires et cardiovasculaires chroniques, ainsi que les maladies liées à l’alcool, au tabac, à la consommation excessive de sodium et à une activité physique insuffisante, étaient responsables de 68 % des décès au niveau mondial, dont les trois quarts étaient recensés dans des pays à revenu faible et intermédiaire (OMS, 2014).
L’influence médiatrice de l’éducation sur les maladies non transmissibles opère via différents canaux. L’éducation affecte les comportements via des processus cognitifs et psychologiques, la richesse et le statut social, et l’autonomisation. Initialement, l’éducation peut avoir une influence négative sur les comportements de santé, dans la mesure où une population mieux éduquée peut s’offrir un style de vie non sain. Avec l’augmentation des informations de santé exactes, la relation entre éducation et comportements sains s’inverse et devient positive, même s’il peut y avoir des variations d’un genre à l’autre (Baker et al., 2017).
L’éducation formelle et non formelle peut contribuer à réduire l’obésité
L’obésité à travers le monde a plus que doublé entre 1980 et 2014. L’épidémie est de plus en plus mondiale, et aucun pays n’a observé de baisse substantielle sur les trois dernières décennies. Parmi les adultes, l’obésité touchait plus de 50 % des femmes des pays d’Afrique du Nord, d’Asie de l’Ouest (Koweït, Libye et Qatar) et du Pacifique (Kiribati, États fédérés de Micronésie, Samoa et Tonga) (Ng et al., 2014). Une analyse systématique de 91 pays a montré que la relation entre le niveau de scolarité et l’obésité variait selon le revenu du pays et la prévalence globale (Cohen et al., 2013). Dans les pays à faible revenu avec une faible prévalence de l’obésité (à quelques exceptions près, comme le Cambodge), les femmes les plus instruites présentaient la plus forte probabilité d’être obèses. L’opposé est vrai pour les pays à revenu intermédiaire ayant une forte prévalence d’obésité, tels que la Colombie, la République Dominicaine et le Pérou (Figure 11).
Dans les pays à revenu élevé, l’éducation tertiaire est liée à une plus faible probabilité d’obésité chez les femmes et les hommes. Dans 24 pays de l’OCDE, 19 % des adultes étaient obèses en 2011, et les adultes ayant suivi un enseignement tertiaire étaient deux fois moins susceptibles d’être obèses que ceux qui n’étaient pas allés jusqu’au deuxième cycle supérieur. Parmi les personnes qui ne sont pas allées jusqu’au deuxième cycle supérieur, 28 % des femmes (et 22 % des hommes) étaient obèses, comparativement à 12 % des femmes (et 15 % des hommes) ayant eu une éducation tertiaire (OECD, 2013). Cette conclusion a été appuyée par une analyse de données longitudinales sur les jumeaux hommes identiques en Australie, qui a conclu que l’éducation réduisait également la probabilité d’être en surpoids (Webbink et al., 2010).
Être obèse ou en surpoids est de plus en plus lié aux inégalités socioéconomiques et d’éducation. Une comparaison de 34 pays en Amérique du Nord et en Europe en 2002, 2006 et 2010 a constaté que les inégalités socioéconomiques en santé, mesurées par rapport aux niveaux d’activité physique et de masse corporelle, augmentaient (Elgar et al., 2015). Dans les pays de l’OCDE, l’obésité a augmenté rapidement chez les hommes moins scolarisés et chez les femmes moyennement instruites, sauf aux États-Unis. En République de Corée, par exemple, les femmes moins scolarisées étaient cinq fois plus susceptibles en 2010 d’être en surpoids ou obèses que celles qui avaient suivi un enseignement de niveau supérieur, et six fois plus en 2014 (OECD, 2017a).
L’activité physique est un comportement sain important qui peut contribuer à réduire l’obésité. En 2010, plus de 80 % des adolescents scolarisés âgés de 11 à 17 ans n’étaient pas suffisamment actifs, c’est-à-dire, ne faisaient pas au moins 60 minutes d’exercice physique modéré à vigoureux par jour. Dans la plupart des pays, les filles étaient moins actives physiquement que les garçons (WHO, 2014).
Dans certains cas, l’activité physique et les mouvements des adolescentes sont restreints par les normes juridiques et culturelles. En Arabie saoudite, l’obésité est un problème de santé publique, mais un problème plus grave chez les filles que chez les garçons, ce défi étant au moins en partie lié aux restrictions sur l’activité physique et l’éducation pour les femmes et les filles (Mahfouz et al., 2011). À Philadelphie, aux États-Unis, les adolescentes étaient beaucoup moins susceptibles d’être actives que les garçons (28 % des filles étaient sédentaires, pour 11 % des garçons) (Lenhart et al., 2012).
Un examen des programmes d’activité physique scolaires basé sur 44 études a démontré que la documentation pédagogique et la modification des programmes scolaires en faveur de l’activité physique avaient des résultats positifs en matière de santé et réussissaient à augmenter la durée de l’activité physique chez les élèves (Dobbins et al., 2013). Les campagnes officielles et officieuses ont également un impact. Au Tonga, la stratégie nationale de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles a été utilisée pour promouvoir l’activité physique chez les femmes et les encourager à jouer au netball. Depuis 2012, elle communique les dernières informations sur la mobilisation de la communauté, les campagnes publicitaires et l’éducation interpersonnelle (WHO, 2014).
L’ÉDUCATION A UN LIEN AVEC UNE BAISSE DE LA CONSOMMATION DE TABAC
Le tabac est l’une des principales causes de décès évitables dans le monde ; 6,4 millions de personnes sont mortes à cause du tabagisme en 2015. Mondialement, en 2012, 21 % des adultes fumaient : 36 % des hommes et 7 % des femmes. Parmi les pays de l’OCDE, 23 avaient des données sur le tabagisme montrant que 44 % des hommes et 32 % des femmes n’ayant pas suivi d’enseignement du deuxième cycle du secondaire fumaient, contre 24 % d’hommes et 19 % de femmes ayant eu une éducation tertiaire. L’impact reste fort même après prise en compte des effets du revenu et de l’âge (OCDE, 2013). La ventilation des données sur le tabagisme par niveau d’éducation montre que dans les pays pauvres comme dans les pays riches, les hommes les plus instruits sont moins susceptibles de consommer du tabac (Figure 12)
La prévalence de la cigarette à travers le monde a augmenté parmi les femmes avec un certain retard, avec l’évolution des normes culturelles. Le tabagisme a une corrélation négative avec l’éducation, et cette relation s’est accrue au fil des cohortes d’âge et est différente pour les hommes et les femmes. En France, dans la cohorte la plus âgée, les hommes moins instruits étaient 1,5 fois plus susceptibles de fumer que les plus instruits ; dans la cohorte la plus jeune, les hommes moins scolarisés étaient 5 fois plus susceptibles de fumer que les plus instruits. Chez les femmes, les femmes les plus instruites de la cohorte la plus âgée étaient deux fois plus susceptibles de fumer que les moins instruites ; dans la cohorte la plus jeune, les femmes les moins instruites étaient 3,7 fois plus susceptibles de fumer que les femmes plus instruites (Pampel et al., 2015)
Les compagnies de tabac ont tourné leur attention vers les pays les plus pauvres du monde, où la consommation continue d’augmenter. Les données des enquêtes sur le tabagisme à l’échelle mondiale montrent que le nombre d’adolescentes qui fument du tabac dans les pays africains dépasse largement le nombre de femmes adultes, en raison d’un marketing accru et d’un accès plus large au tabac. En Gambie, par exemple, 3 % des femmes adultes mais 37 % des adolescentes consomment des produits du tabac (Good Business, 2016). Il est nécessaire de mettre en œuvre une réponse tenant compte des genres pour lutter contre le tabagisme. La plupart des lignes directrices nationales pour traiter la dépendance au tabac sont toutefois neutres du point de vue du genre (Bottorff et al., 2014).
L’industrie du tabac a systématiquement mis sur le marché des cigarettes en différenciant les genres, en faisant appel à des qualités féminines ou masculines dans leurs campagnes pour plaire aux différentes cibles démographiques. Historiquement, l’industrie de la publicité a par exemple dépensé des milliards pour attirer les femmes en laissant entendre que fumer les ferait maigrir (Amos and Haglund, 2000; Cole and Fiore, 2014; Marine-Street, 2012). En Indonésie, un pays où le taux de tabagisme chez les hommes est l’un des plus élevés au monde, la publicité pour le tabac est très répandue, et le tabagisme est fortement associé à l’identité masculine (Ng et al., 2006; Nichter et al., 2009). Informal education can affect smoking habits. Hard-hitting health warnings are among the most effective deterrents. Between January 2009 and June 2014, the number of countries running comprehensive national mass media anti-smoking campaigns lasting at least three weeks increased from 23 to 39 (WHO, 2015b).
L’éducation informelle peut avoir une incidence sur le tabagisme. Les mises en garde percutantes sur la santé font partie des moyens de dissuasion les plus efficaces. Entre janvier 2009 et juin 2014, le nombre de pays ayant déployé des campagnes de communication anti-tabac nationales dans tous les médias pendant au moins trois semaines est passé de 23 à 39 (WHO, 2015b).
Le meilleur moyen d’éduquer les jeunes par le biais de publicités qui s’adressent à eux consiste à appliquer les mêmes méthodes marketing que celles qui ont été employées avec succès par l’industrie du tabac (Barbeau et al., 2004). Dans certains pays, l’image du père et de l’homme dévoué à sa famille a été utilisée pour contester l’association entre tabagisme et masculinité afin d’encourager les hommes à arrêter de fumer (Bottorff et al., 2014). Au Botswana, une intervention sur les réseaux sociaux a encouragé les filles à utiliser des phrases particulières pour affirmer leur décision de ne pas fumer. Cette campagne fait aujourd’hui partie intégrante de la vie sociale des adolescents et est également très populaire sur Facebook (Good Business, 2016).
LES PROBLÈMES D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT ONT UN IMPACT NÉGATIF SUR LES FILLES ET LES FEMMES
La qualité de l’eau et de l’assainissement a des effets importants sur le développement cognitif de l’enfant et sur le fonctionnement du cerveau et, par conséquent, sur la capacité d’apprentissage tout au long de la vie (Piper et al., 2017). Mais il existe aussi d’autres liens entre l’eau, l’assainissement et l’éducation.
Les filles et les femmes sont très souvent chargées du transport de l’eau, en particulier dans les zones rurales. L’absence d’accès facile à l’eau pour l’utilisation du ménage a par conséquent un effet négatif sur la présence à l’école (UNESCO, 2015a). Au Ghana, une analyse de quatre séries de données tirées d’enquêtes démographiques et de santé réalisées entre 1993 et 2008 a montré que la réduction de moitié du temps nécessaire pour aller chercher de l’eau augmentait le taux de présence des filles à l’école d’environ 7 points de pourcentage (Nauges, 2017). Une analyse de 24 pays d’Afrique subsaharienne a estimé que 13,5 millions de femmes et 3,4 millions d’enfants passent plus de 30 minutes chaque jour à aller chercher de l’eau pour un usage domestique ; dans tous les pays, les filles étaient plus susceptibles que les garçons d’avoir la responsabilité d’aller chercher de l’eau (Graham et al., 2016).
Le changement climatique et la croissance de la population augmentent l’insécurité liée à l’eau et en intensifient l’impact sur l’éducation. Au Botswana, par exemple, plus de la moitié des filles passaient plus de temps à aller chercher de l’eau pour usage domestique lors des sécheresses (Chigwanda, 2016). Dans les États du Gujarat et du Rajasthan, en Inde, un sondage réalisé auprès d’élèves du secondaire de 500 familles et de 8 écoles secondaires a révélé que plus de 90 % des personnes interrogées considéraient les pénuries d’eau souterraine comme un problème majeur affectant leur éducation. En moyenne, 60 % des élèves manquaient environ deux jours d’école par mois. Au Rajasthan, les filles manquaient au moins cinq jours d’école par mois, pour des taux de deux à dix fois plus élevés que les garçons (Kookana et al., 2016).
Les politiques axées sur l’amélioration de l’accès aux infrastructures liées à l’eau sont importantes pour réduire le temps consacré à ces corvées. Au Népal, un projet communautaire d’approvisionnement en eau et d’assainissement a ciblé l’accès aux latrines pour un environnement plus sûr pour les femmes et réduire le temps nécessaire pour gérer l’approvisionnement en eau des ménages. Le temps moyen pour aller chercher de l’eau a été réduit de 3,8 à 2 heures par jour, ce qui a permis de libérer du temps pour les activités pédagogiques (Asian Development Bank, 2015). En Chine, un vaste programme dédié au traitement de l’eau lancé dans les années 1980, a bénéficié aux filles des zones rurales dans la mesure où l’écart entre les genres en matière d’éducation dans les villages traités a été éliminé (Zhang and Xu, 2016).
Les bidonvilles sont également confrontés à des pénuries d’eau. Dans les zones d’habitation à faible revenu de Blantyre, au Malawi, les populations des zones périurbaines n’ont pas accès à un approvisionnement en eau potable. Dans les zones non aménagées, les filles manquent souvent l’école pour aider leur mère à aller chercher de l’eau (Chipeta, 2009). 20 % des habitants de Delhi, en Inde, vivent dans des bidonvilles et des établissements humains. Les mères ont déclaré que les filles manquaient l’école en raison de différentes corvées ménagères telles que la collecte de l’eau, une situation qui a empiré en raison de l’augmentation des population des bidonvilles, des sécheresses accrues et de l’imprévisibilité des précipitations (Kher et al., 2015).
La gestion de l’hygiène menstruelle est une question clé dans la scolarisation des filles
L’hygiène menstruelle est une question de santé publique qui nécessite de meilleurs aménagements (Mahon and Fernandes, 2010). La question a globalement gagné en visibilité ces dernières années (Sommer and Sahin, 2013). Cependant, des mesures politiques de financement cohérentes sur l’assainissement n’étaient destinés aux femmes que dans 11 des 74 pays étudiés (WHO and UN Water, 2017).
Le manque de soins sanitaires adéquats pour les adolescentes a plusieurs conséquences pour l’éducation. Au Bangladesh, une étude nationale de 2013 a révélé que 41 % des jeunes filles âgées de 11 à 17 ans manquaient 2,8 jours d’école par cycle menstruel (Alam et al., 2017).
Une récente analyse de la documentation politique dans les écoles de 21 pays à faible revenu et à revenu intermédiaire a conclu à une faible attention portée à la question de l’hygiène menstruelle dans les plans sectoriels d’enseignement (Sommer et al., 2017). Une étude des zones rurales d’Éthiopie, du Kenya, du Mozambique, du Rwanda, de l’Ouganda et de la Zambie a révélé que moins de 20 % des écoles disposaient d’au moins quatre des cinq services d’hygiène menstruelle recommandés (des latrines séparées avec portes et verrous, de l’eau à disposition, des poubelles) (Morgan et al., 2017).
Une étude de faisabilité réalisée dans les zones rurales du Kenya a examiné les installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement de 62 écoles primaires dans le cadre de visites inopinées. Elle a constaté que 60 % proposaient de l’eau pour le lavage des mains, 13 % de l’eau pour le lavage des mains dans les latrines et seulement 2 % du savon (Alexander et al., 2014). Les données sur les dépenses en eau, assainissement et hygiène dans 89 écoles primaires rurales du Kenya montrent que les dépenses atteignent en moyenne 1,83 USD par élève et par an, alors que le coût estimé pour répondre aux normes de base était de 3,03 USD par élève et par an (Alexander et al., 2016).
La prise de conscience politique de la question s’améliore dans certains pays. En Inde, le gouvernement a proposé en 2010 un nouveau programme de distribution de serviettes hygiéniques dans les zones rurales (Garg et al., 2012). En Inde, l’analyse de 28 états et de 4 territoires de l’Union réalisée entre 2007 et 2015 a conclu que le fait de fournir des toilettes séparées pour les filles dans les écoles est positivement associé au taux d’inscription et de participation au deuxième cycle du primaire. Cependant, cela n’améliore pas la situation des populations de la caste répertoriée, ce qui préfigure de nouveaux enjeux d’équité liés à l’intouchabilité (Ray and Datta, 2017).
Les autres enjeux comprennent la lutte contre les attitudes négatives à l’égard des menstruations et l’amélioration de la diffusion d’informations sur la santé et des installations dans les écoles (Sommer et al., 2015). En Bolivie rurale, les filles recevaient peu d’informations sur l’hygiène menstruelle de la part des enseignants et des parents, ce qui suggère que le sujet devrait figurer dans les programmes scolaires et les politiques nationales (Johnson et al., 2016).
DES INTERVENTIONS ÉDUCATIVES SONT NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE LES AGRICULTRICES
Améliorer la productivité agricole est un objectif clé de l’ODD 3. En 2010, les femmes représentaient environ 50 % de la main-d’œuvre agricole en Afrique subsaharienne. La productivité des femmes par hectare serait inférieure à celle des hommes, ce qui est principalement dû à un accès limité aux terres, aux technologies et à d’autres intrants. Si les femmes avaient le même accès aux ressources, leur rendement augmenterait de 20 % à 30 % (FAO, 2011).
Les intrants disponibles (engrais inorganiques, variétés de graines et services de vulgarisation) sont plus importants pour les hommes que pour les femmes (Peterman et al., 2014). Dans le nord du Nigeria, les femmes produisaient 28 % de moins que les hommes. Après prise en compte des facteurs de production observés, il n’y avait pas de différence dans le sud (Oseni et al., 2015). Un différentiel de productivité entre les hommes et les femmes a également été observé en Éthiopie (Aguilar et al., 2015). En Ouganda, une étude a conclu que les hommes utilisaient plus d’intrants, et que la principale différence entre les hommes et les femmes était liée aux responsabilités maternelles (Ali et al., 2016).
L’écart de productivité suggère la nécessité d’améliorer la formation et l’assistance. On sait depuis longtemps que les services de vulgarisation et de conseil agricoles ne touchent pas souvent les femmes. Une analyse de l’accès aux services de vulgarisation réalisée en Éthiopie en 2010 a constaté que les femmes chefs de ménages sont moins susceptibles d’avoir accès à ces services (Ragasa et al., 2013). Une analyse antérieure au Nigéria a constaté que les agricultrices supervisées par des agents de vulgarisation femmes étaient plus susceptibles d’avoir un meilleur accès aux services de vulgarisation et d’afficher des niveaux de sensibilisation et de participation plus élevés, ce qui laisse entendre que les organisations de vulgarisation devraient recruter plus d’agents femmes (Lahai et al., 1999). Une analyse de la qualité des conseils reçus par les femmes au Sri Lanka a constaté que les femmes avaient plus de discussions sur leurs cultures avec des femmes spécialistes des plantes (LamontagneGodwin et al., 2017).
Il a toutefois également été suggéré que, pour s’orienter vers un contrôle des biens et des ressources équitable entre les genres, l’accent devrait être mis sur la collaboration entre les hommes et les femmes plutôt que de cibler uniquement les femmes (Russell et al., 2015). Dans l’est de la République démocratique du Congo, il a été observé que la participation des hommes et des femmes aux programmes de vulgarisation agricole entraînait une plus forte adoption des technologies telles que l’amélioration des variétés de légumineuses, les semis en ligne et les engrais minéraux, que les efforts ciblant uniquement les agricultrices (Lambrecht et al., 2014).
D’autres recherches indiquent que les responsabilités, les ressources et les contraintes liées au genre doivent être prises en compte par les programmes de développement agricole si l’on souhaite qu’ils bénéficient aux hommes et aux femmes agriculteurs actionnaires. Les mesures de la productivité agricole ventilées par sexe reposent sur de nombreuses hypothèses, ce qui signifie qu’il est difficile de confirmer que la productivité est réellement plus faible chez les femmes que chez les hommes. Mais étant donné que les femmes réalisent une part plus importante d’autres tâches ménagères, certains affirment que l’amélioration de la productivité agricole des femmes trouvera des réponses au-delà du secteur agricole, dans des interventions susceptibles d’alléger les corvées des femmes, grâce à l’amélioration de l’accès à l’eau, de la santé infantile et de l’éducation, par exemple (Doss, 2017).