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Obligation de rendre des comptes des gouvernements

Des étudiants se rassemblent dans les rues de Santiago, au Chili, pour exiger des frais plus bas dans l'enseignement supérieur

Crédit: Hugo Infante/UNESCO

Obligation de rendre des comptes des gouvernements

Les gouvernements sont justiciables en dernier lieu de l’avancement des objectifs mondiaux relatifs à l’éducation. Dans les pays riches comme dans les pays pauvres, ils doivent répondre des engagements, des plans, de la mise en oeuvre et des résultats relatifs à l’éducation.

LES GOUVERNEMENTS ONT DES RESPONSABILITÉS JURIDIQUES EN MATIÈRE D’ÉDUCATION

Tous les pays ont ratifié au moins un traité international juridiquement contraignant relatif au droit à l’éducation. Les gouvernements ont pour obligation de respecter, de protéger et d’assurer la mise en oeuvre effective de ce droit. À l’heure actuelle, 82 % des constitutions nationales incluent une disposition concernant le droit à l’éducation. Cependant, ce dernier n’est opposable que dans à peine plus de la moitié des pays, c’est-à-dire que les usagers disposent de voies de recours juridiques leur permettant d’engager des poursuites contre l’État en cas de violation de leur droit à l’éducation (figure 2).

 

Figure 2: Les citoyens doivent pouvoir engager des poursuites contre l’État en cas de violation de leur droit à l’éducation

LES PROCESSUS DE COMPTE RENDU INTERNATIONAUX INFLUENT PLUS OU MOINS SUR L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES DES GOUVERNEMENTS

Les pays ayant ratifié l’un quelconque des sept traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et faisant mention du droit à l’éducation doivent communiquer régulièrement sur les mesures prises pour honorer leurs engagements. Parmi ces traités figure la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD). Celle-ci demande que « le système éducatif pourvoie à l’insertion scolaire à tous les niveaux » et défend le droit des personnes handicapées à l’éducation. La CRPD constitue une base fiable pour tenir les États parties responsables de leurs actes. Elle prévoit la création de mécanismes de mise en oeuvre et de suivi nationaux et internationaux. Les États parties doivent recueillir des données et rendre des comptes au Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies.

La plupart des 86 pays ayant rendu des comptes à ce jour indiquent que le droit des personnes handicapées à l’éducation est inscrit dans la constitution, le droit ou les politiques, mais peu d’entre eux proposent une définition du handicap. L’absence de définition internationale claire risque de rendre plus difficiles l’élaboration de programmes et le respect des normes internationales. De même, la constitution, le droit ou les politiques de 42 pays font explicitement référence à l’éducation inclusive : il semble donc que les établissements spécialisés laissent progressivement la place à des programmes inclusifs dans les écoles classiques. Toutefois, il existe parfois des écarts entre les politiques et la pratique.

Les rapports publiés en parallèle par les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent influer sur les décisions des comités des traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme. À titre d’exemple, le sousfinancement de l’enseignement public et l’absence de réglementation dans les écoles privées aux Philippines signalés par certaines ONG ont été pris en compte dans les recommandations des comités.

La constitution, le droit ou les politiques de 42 pays sur 86 font explicitement référence à l’éducation inclusive

Les pays rendent également compte de l’avancement des ODD, bien que ces rapports soient volontaires. À ce jour, 44 pays ont publié des rapports  d’avancement. L’ODD 4 sera revu en détail au cours de l’examen thématique mondial de 2019 des Nations Unies, intitulé « Donner des moyens d’action aux populations et assurer l’inclusion ». L’efficacité d’une démarche de changement volontaire et dirigée par les pays reste encore à démontrer. L’absence de mécanismes d’application extérieurs risque de retarder les progrès.

LES CITOYENS PEUVENT INCITER LE GOUVERNEMENT À HONORER SES ENGAGEMENTS GRÂCE AU PROCESSUS POLITIQUE

Le processus politique incite les pouvoirs publics à satisfaire les demandes des citoyens, notamment par le biais d’élections libres et régulières. Entre 1975 et 2011, 469 des 890 élections nationales organisées dans 169 pays ont été jugées libres et régulières. Ce taux est passé de 70 % sur la période 1975-1985 à 45 % sur la période 2001-2011, une baisse due en partie à la tenue des premiers scrutins dans les jeunes démocraties (Figure 3).

Figure 3: Il est souvent impossible de chasser un gouvernement qui ne tient pas ses promesses par une élection

Tout processus de démocratisation et d’ouverture s’accompagne d’une hausse des dépenses publiques d’éducation. Cependant, il est difficile pour les électeurs de repérer les élus responsables de l’échec ou de l’inefficacité des politiques d’éducation, et de les mettre face à leurs responsabilités. De simples promesses de
campagne suffisent à détourner l’attention et les fonds des chantiers plus importants relatifs à l’éducation. Les gouvernements concentrent généralement leur réflexion et leur action sur les infrastructures éducatives visibles, au détriment des apports plus immatériels, tels que le développement professionnel.

D’aucuns affirment que la concurrence électorale favorise la responsabilité, mais la réalité reste mitigée. Au Brésil, les détournements de fonds étaient inférieurs de 27 % parmi les maires susceptibles d’être réélus, par rapport à ceux dont le mandat n’était pas renouvelable. En revanche, en République de Corée, le passage à  l’élection directe des commissaires à l’éducation n’a pas sensiblement modifié les dépenses d’éducation ni les taux d’achèvement ou de scolarisation.

LES MOUVEMENTS SOCIAUX ET CITOYENS PEUVENT ÉGALEMENT FAIRE PRESSION SUR LE GOUVERNEMENT

Outre les élections, d’autres mécanismes politiques, tels que l’action citoyenne, permettent de faire pression sur les autorités pour les inciter à tenir leurs engagements. Citons, par exemple, les mouvements étudiants organisés avec succès au Chili et en Afrique du Sud pour faire baisser les frais de scolarité à l’université.

Les organisations de la société civile (OSC) ont recours à divers outils et stratégies, parmi lesquels les mécanismes juridiques, les enquêtes et autres modes de recherche, les données ouvertes, la mise en place de coalitions et l’organisation de campagnes médiatiques. En Argentine, l’Association civile pour l’égalité et la justice a engagé des poursuites contre la mairie de Buenos Aires pour avoir ignoré sa demande d’accès aux informations relatives à l’éducation de la petite enfance.

Les enquêtes servent à recueillir des informations, lesquelles permettent de lever le voile sur les éventuelles défaillances des politiques et de plaider en faveur du changement. Dans de nombreux pays, notamment au Kenya, au Pakistan et au Sénégal, les citoyens ont réalisé eux-mêmes des enquêtes pour évaluer les acquis de base des élèves en lecture et en calcul, qu’ils ont ensuite utilisées pour faire pression sur le gouvernement et exiger une amélioration de l’enseignement.

Les coalitions d’organisations de la société civile, telles que la Campagne pour l’éducation populaire au Bangladesh, ont insufflé un dynamisme et permis d’intensifier la pression sur le gouvernement, par exemple pour augmenter les investissements en faveur de l’éducation. Lancés à Bangalore, en 1994, les « carnets de notes citoyens » ont depuis été adoptés par d’autres pays, notamment le Rwanda.

Dans plusieurs pays, notamment en Inde et en République-Unie de Tanzanie, les OSC ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la corruption, en réalisant des opérations de veille et des analyses budgétaires pour contrôler les dépenses publiques. Elles vérifiaient également que les ressources étaient attribuées et investies conformément aux budgets et aux plans établis.

Les organisations de personnes handicapées ont participé au suivi de la mise en oeuvre de la CRPD dans 50 des 86 pays ayant communiqué des données

Les organisations de la société civile (OSC) ont recours à divers outils et stratégies, parmi lesquels les mécanismes juridiques, les enquêtes et autres modes de recherche, les données ouvertes, la mise en place de coalitions et l’organisation de campagnes médiatiques. En Argentine, l’Association civile pour l’égalité et la justice a engagé des poursuites contre la mairie de Buenos Aires pour avoir ignoré sa demande d’accès aux informations relatives à l’éducation de la petite enfance.

Les enquêtes servent à recueillir des informations, lesquelles permettent de lever le voile sur les éventuelles défaillances des politiques et de plaider en faveur du changement. Dans de nombreux pays, notamment au Kenya, au Pakistan et au Sénégal, les citoyens ont réalisé eux-mêmes des enquêtes pour évaluer les acquis de base des élèves en lecture et en calcul, qu’ils ont ensuite utilisées pour faire pression sur le gouvernement et exiger une amélioration de l’enseignement.

Les coalitions d’organisations de la société civile, telles que la Campagne pour l’éducation populaire au Bangladesh, ont insufflé un dynamisme et permis d’intensifier la pression sur le gouvernement, par exemple pour augmenter les investissements en faveur de l’éducation. Lancés à Bangalore, en 1994, les « carnets de notes citoyens » ont depuis été adoptés par d’autres pays, notamment le Rwanda.

Dans plusieurs pays, notamment en Inde et en République-Unie de Tanzanie, les OSC ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la corruption, en réalisant des opérations de veille et des analyses budgétaires pour contrôler les dépenses publiques. Elles vérifiaient également que les ressources étaient attribuées et investies conformément aux budgets et aux plans établis.

Les organisations de personnes handicapées peuvent faire pression sur les autorités pour faire évoluer la situation. Les ONG et les institutions indépendantes de défense des droits de l’homme peuvent communiquer des informations et sensibiliser la population. Les organisations de personnes handicapées ont participé au suivi de la mise en oeuvre de la CRPD dans 50 des 86 pays ayant communiqué des données, mais n’ont pris part à l’examen national que dans 29 pays. Le manque de capacité freine la participation de ces organisations.

Les syndicats d’enseignants font partie de la société civile au sens large, mais ils communiquent un message spécifique et jouent un rôle particulier. À ce titre, ils peuvent amener le gouvernement à plus de responsabilité. Ils peuvent en effet soutenir les réformes de l’enseignement ou s’y opposer et promouvoir le dialogue sur certaines questions sensibles que le gouvernement craint d’examiner. L’inclusion formelle des syndicats dans l’élaboration des politiques permet de renforcer l’obligation de rendre des comptes et l’adhésion du corps enseignant, tout en améliorant les relations entre les syndicats et les pouvoirs publics. Malheureusement, il est rare que les syndicats soient consultés au sujet des réformes. Sur 70 syndicats de plus de 50 pays, plus de 60 % n’ont pas ou peu été consultés quant au contenu et au choix des supports pédagogiques.

Sur 70 syndicats d’enseignants de plus de 50 pays, plus de 60 % n’ont pas ou peu été consultés quant aux supports pédagogiques

L’IMPLICATION DES MÉDIAS EST ESSENTIELLE POUR ABORDER LES GRANDS ENJEUX DE L’ÉDUCATION

Les citoyens ont besoin de données fiables pour obliger les gouvernements à se montrer responsables. Les médias peuvent aider les citoyens à évaluer la performance du gouvernement en faisant eux-mêmes preuve de vigilance. Ils peuvent également diffuser les travaux des OSC et attirer l’attention du public sur certaines questions, telles que l’équité. Certains médias locaux, nationaux et internationaux ont diffusé les résultats des évaluations réalisées par les citoyens, montrant combien il était difficile de garantir l’acquisition de compétences de base chez tous les enfants.

Les médias relaient également les résultats des recherches menées par les groupes de réflexion, les universités et les institutions publiques. La médiatisation accrue des dépenses publiques peut donner plus de pouvoir aux citoyens et amener les responsables de l’éducation à honorer leurs engagements. En Ouganda, une réduction de 2,2 kilomètres de la distance d’un point de vente de journaux a fait augmenter de près de 10 points de pourcentage la part de financement octroyée à une école.

Si le rôle des médias traditionnels demeure important grâce à leurs articles de fond, les médias sociaux permettent à leurs utilisateurs de diffuser largement les informations, sans aucune contrainte d’édition, de filtrage par les journalistes, voire de censure par l’État. À une époque marquée par le changement souvent rapide des politiques d’éducation, les médias sociaux peuvent occuper une fonction essentielle.

Cependant, les médias doivent également être indépendants, responsables et capables de relayer des informations pertinentes et de refléter les divers points de vue sociaux. Les personnes contribuant directement aux travaux de recherche, d’analyse, d’organisation, de rédaction ou de diffusion doivent être d’une grande fiabilité et posséder une solide expertise technique pour aborder les questions relatives à l’éducation.

 

DES PLANS CRÉDIBLES DÉLIMITANT BIEN LES RESPONSABILITÉS CONSTITUENT DES OUTILS ESSENTIELS

Les citoyens ont besoin de données fiables pour obliger les gouvernements à se montrer responsables. Les médias peuvent aider les citoyens à évaluer la performance du gouvernement en faisant eux-mêmes preuve de vigilance. Ils peuvent également diffuser les travaux des OSC et attirer l’attention du public sur certaines questions, telles que l’équité. Certains médias locaux, nationaux et internationaux ont diffusé les résultats des évaluations réalisées par les citoyens, montrant combien il était difficile de garantir l’acquisition de compétences de base chez tous les enfants. Pour favoriser l’obligation de rendre des comptes, les plans relatifs à l’éducation établis par les pouvoirs en place doivent inclure des engagements officiels et clarifier les rôles. Si les gouvernements élaborent fréquemment des plans stratégiques pluriannuels destinés au secteur de l’éducation, les plans opérationnels annuels sont généralement indispensables à la planification et la coordination.

Les mécanismes institutionnels conférant des pouvoirs plus formels à l’ensemble des parties prenantes permettent de renforcer l’obligation de rendre des comptes. Il est recommandé de mettre en place un comité directeur conjoint composé de membres du gouvernement et d’acteurs extérieurs, officiellement mandaté pour évaluer et approuver les plans sectoriels. Toutefois, lorsque le manque de capacité se fait sentir, les parties prenantes ne seront pas toujours en mesure de représenter tous les groupes.

 

L’engagement d’experts, de consultants ou de donateurs pour accélérer la planification risque de compromettre l’appropriation et la mobilisation locales

Une planification de l’éducation véritablement inclusive peut exiger beaucoup de temps. Les gouvernements peuvent alors être tentés d’engager des experts, des consultants ou des donateurs pour accélérer la planification, évitant ainsi un long processus de consultation. Cette méthode nuit cependant à l’appropriation et à la mobilisation locales. Les pays bénéficiant d’une aide doivent veiller à ne pas laisser les donateurs monopoliser le processus de planification.

Il est important de bien circonscrire les responsabilités. Ceci vaut notamment pour les systèmes décentralisés, où les rôles sont rarement définis et ont tendance à se chevaucher, contribuant à brouiller les responsabilités. Rares sont les administrations décentralisées qui possèdent des capacités de planification stratégique, en particulier dans les pays fragiles et à faible revenu.

L’octroi de subventions conditionnelles axées sur la performance pour améliorer les capacités et la transparence des collectivités locales a permis d’assainir la gestion financière dans plusieurs pays à revenu faible et intermédiaire. En République-Unie de Tanzanie, le taux d’administrations respectant les conditions minimales d’admissibilité aux subventions est passé d’environ 50 % à 90 % en trois ans.

Toutefois, l’octroi de responsabilités strictes aux collectivités locales pour des résultats définis au niveau central peut avoir des conséquences préjudiciables. Une culture de l’audit excessive risque d’obscurcir le champ des responsabilités, d’éroder la collaboration, de mettre à mal l’innovation et d’inciter les prestataires de services à se focaliser sur les objectifs plutôt que sur les améliorations.

UNE SUPERVISION ACCRUE DURANT LA PRÉPARATION BUDGÉTAIRE PERMET D’AFFECTER LES RESSOURCES AUX POSTES DE DÉPENSE PRIORITAIRES

L’implication des parties prenantes dans la préparation budgétaire et dans l’examen des dépenses prévisionnelles peut favoriser la répartition équitable des ressources. Le contrôle budgétaire constitue la fonction principale des législateurs et demande du temps et de l’expertise. Les OSC peuvent aider les législateurs à évaluer les propositions budgétaires et leur fournir des informations utiles en amont des délibérations, comme en Indonésie et au Kenya. Le recours à des budgets par programme plutôt que par poste facilite l’évaluation des dépenses par les législateurs.

L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES HORIZONTALE PEUT S’AVÉRER EFFICACE

Les comités législatifs, les bureaux des médiateurs, les tribunaux et les autres dispositifs d’obligation de rendre des comptes horizontale représentent les opinions des citoyens et encadrent le pouvoir exécutif. Les audits internes et externes permettent de contrôler efficacement les responsabilités liées à l’exécution du budget, et contribuent à limiter le gaspillage ou la mauvaise affectation des ressources et la corruption. Ils requièrent toutefois une certaine capacité.

Les comités législatifs occupent une fonction de suivi essentielle. Certes, leur manque d’indépendance, de capacité ou d’autorité risque d’entraver leur aptitude à favoriser le changement. Cependant, le fait de rassembler des législateurs spécialisés dans l’éducation lors des délibérations permet d’améliorer

 

Les États-Unis, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Pérou et la Zambie possèdent des comités législatifs pour l’éducation, chargés de surveiller la conduite du gouvernement, d’examiner les lois et de proposer des amendements

Les médiateurs reçoivent les citoyens souhaitant porter plainte contre le gouvernement. Leur rôle est particulièrement important lorsque les citoyens ne se sentent pas suffisamment à l’aise pour s’adresser directement aux responsables du gouvernement. En 2010, 118 pays possédaient un médiateur. Celui-ci a souvent affaire à des questions politiques sensibles et peut se retrouver en désaccord avec le gouvernement. En Amérique latine, la présence d’un médiateur – qui ne détenait pourtant aucun pouvoir de sanction – a contribué à améliorer l’accès à l’éducation, à la santé et au logement entre 1982 et 2011. En Indonésie, le bureau du médiateur a joué un rôle de premier plan dans la révélation d’une affaire de fraude impliquant la vente de sujets d’examens aux élèves et la diffusion des réponses grâce aux téléphones portables.

Les OSC et les citoyens peuvent contribuer au renforcement des audits externes. Au Chili et en République de Corée, les réclamations et les propositions communiquées en ligne par les citoyens ont permis d’attirer l’attention des vérificateurs sur certaines questions. Les enquêtes de suivi des dépenses publiques permettent aux OSC de réaliser des audits sociaux sur les dépenses. Mais ces initiatives restent souvent exceptionnelles et à l’initiative des donateurs ; elles s’accompagnent rarement d’un changement de fond s’inscrivant dans la durée.

LA CRÉATION D’UNE CULTURE INSTITUTIONNELLE DE L’INTÉGRITÉ EST INDISPENSABLE POUR LUTTER CONTRE LA CORRUPTION

La corruption peut toucher tous les aspects de l’éducation : finances, achat de services, accréditation institutionnelle, encadrement des enseignants, épreuves, bourses, recherche ou manuels scolaires. Qu’il s’agisse d’un détournement de fonds très médiatisé ou de pratiques discrètes, mais bien ancrées, non seulement la corruption pénalise les finances, l’accès à l’éducation et la qualité des services, mais elle fausse également les décisions liées à l’affectation des fonds publics, freine la productivité et diminue les recettes publiques.

Les interventions menées dans ce domaine s’inspirent majoritairement des études de la Banque mondiale sur les fuites survenant lors des transferts de fonds entre les autorités centrales et locales, et donc les écoles. Toutefois, le contrôle des fonds jusqu’à leur réception au point de service reste une entreprise délicate, notamment lorsqu’il n’existe aucune règle claire concernant l’affectation des fonds. Le cas des enseignants et des établissements « fantômes » est complexe et suscite des controverses. Ainsi, rien qu’au premier semestre 2016, ce ne sont pas moins de 8 000 allégations relatives à des « enseignants fantômes » ou à des enseignants recevant plus que leur rémunération officielle qui ont été enregistrées au Nigéria.

Bien que le Brésil ait entrepris des réformes pour améliorer le dispositif d’égalisation des fonds attribués à l’éducation, les inspecteurs du contrôleur général de l’Union déployés dans 120 municipalités et 4 États ont relevé 49 irrégularités liées aux procédures d’appel d’offres, 28 liées à l’exécution des contrats et 21 « retraits d’argent liquide ».

Certaines pratiques flagrantes restent parfois invisibles aux observateurs extérieurs et leur ampleur est difficile à évaluer, par exemple dans les contextes dégradés (zones de conflit, etc.). En Afghanistan, près de 80 % des 740 écoles de la province de Ghor étaient fermées pas, bien que le ministère de l’Éducation continuât de rémunérer les enseignants.

Certaines formes de corruption trop ancrées passent souvent à travers les mailles du filet. Selon une enquête de suivi des dépenses publiques réalisée au Bangladesh, environ 40 % des responsables de l’éducation primaire des districts et des sous-districts ont reconnu qu’ils versaient des « pourboires » aux comptables, afin d’obtenir le remboursement des dépenses. Bien que ces paiements ne constituent pas ipso facto une fuite avérée ou directe du Trésor public, ils incitent les agents à amortir les coûts d’une autre façon.

On ne peut se contenter de dénoncer les irrégularités. Les normes et les structures juridiques elles-mêmes doivent être dotées de mécanismes de suivi améliorés, notamment des instances d’audit fiables et indépendantes, des systèmes d’information ouverts, ainsi qu’un environnement facilitant la veille médiatique et la participation des ONG. Les forces de police et les juridictions exercent un rôle de suivi essentiel en cas de révélation d’une affaire de corruption.

LE SUIVI ET L’ÉVALUATION DE L’ÉDUCATION DOIVENT ÊTRE SYSTÉMATIQUES

Le suivi et l’évaluation incitent les États à rendre des comptes. Pour être utile, le suivi doit se concentrer sur les résultats souhaités, et les données doivent être fiables et collectées régulièrement. Les systèmes de suivi et d’évaluation sont souvent fragmentés. Les agences n’emploient pas toutes les mêmes méthodes et ne recueillent pas les données selon la même
fréquence. Les informations ne sont pas systématiquement centralisées, comparables ou accessibles.

La préparation par les gouvernements de rapports nationaux de suivi sur l’éducation, afin de satisfaire aux exigences des législateurs ou des organisations internationales, peut notamment faciliter le regroupement des informations. Elle est également un moyen pour les citoyens de veiller à la responsabilité de l’État.

Sur 209 pays, 108 ont publié au moins un rapport national de suivi sur l’éducation depuis 2010. Cependant, à l’échelle mondiale, seul 1 pays sur 6 s’y emploie régulièrement

Si la publication de ce type de rapport est plus fréquente dans les pays riches, certains pays à revenu faible (Ouganda) et intermédiaire (République dominicaine, République de Moldova) en publient également. Presque tous les rapports couvrent l’enseignement primaire et secondaire. Près des trois quarts traitent de l’éducation et de la protection de la petite enfance ; deux tiers traitent de l’enseignement supérieur ; un tiers aborde l’éducation des adultes.

Ces rapports n’accordent pas tous la priorité aux mêmes éléments. Environ 60 % se concentrent sur les interventions menées et 25 % réalisent un état des lieux, reflétant la diversité des préoccupations nationales en matière de reddition de comptes. D’autres rapports préfèrent se concentrer sur les investissements réalisés.

Dans certains cas, comme pour le «Bildungsbericht » (Rapport sur l’éducation) en Allemagne, ces publications relèvent d’une obligation juridique et sont davantage axées sur les interventions ou les investissements. Au Panama, le ministère de l’Éducation fait paraître un rapport annuel conformément à la loi sur la transparence de la gestion des affaires publiques. Aux Philippines, la disposition du « sceau de transparence » inscrite dans la loi sur le budget et visant « à améliorer la transparence et à faire appliquer l’obligation de rendre des comptes » demande à toutes les agences publiques nationales de publier sur leur site Internet officiel les rapports annuels des trois dernières années, conformément aux instructions détaillées communiquées dans la circulaire nationale sur le budget.

Certaines données de suivi doivent être obtenues auprès d’un organisme externe ou produites par une institution respectée et largement reconnue comme étant exempte de toute  ngérence de l’État. Des bureaux d’évaluation autonomes ont vu le jour ces dix dernières années en Amérique latine, notamment en Colombie, en Équateur et au Mexique. Leurs responsabilités ont été renforcées, que ce soit par la pratique ou par le biais de nouvelles dispositions juridiques. Ces organes doivent être correctement financés pour
fonctionner avec efficacité.

La plupart des pays bénéficiaires de l’aide réalisent désormais des examens sectoriels annuels conjoints auxquels contribuent le gouvernement, les donateurs, les acteurs de la société civile et d’autres parties prenantes. Toutefois, ces initiatives ne sont pas sans défaut : participation peu inclusive ; absence de plans de mise en oeuvre des recommandations ; priorités souvent définies par les donateurs.

Seul un tiers des rapports nationaux de suivi sur l’éducation disponibles couvre l’éducation des adultes


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