Obligation de rendre des comptes des établissements scolaires
Les écoles et les autres institutions d’enseignement et de formation assument une double responsabilité : responsabilité formelle vis-à-vis du gouvernement et responsabilité informelle vis-à-vis des parents et des élèves. Nombreux sont les pays qui choisissent de déléguer la prise de décision aux autorités scolaires régionales et locales, encourageant ainsi une obligation de rendre des comptes aussi bien ascendante que descendante. L’importance accordée à l’obligation de rendre des comptes n’est pas sans poser quelques difficultés aux établissements scolaires.
LA RÉGLEMENTATION NATIONALE FACILITE LE SUIVI QUALITATIF DES ÉTABLISSEMENTS
La réglementation nationale en matière d’éducation varie selon les pays. Ainsi, bien que la quasi-totalité des 71 systèmes examinés aux fins du présent rapport possède une réglementation relative aux qualifications des enseignants, moins de 40 % plafonnent le taux d’encadrement (figure 4). La réglementation permet de s’assurer que les prestataires d’éducation respectent leurs engagements, mais peut s’avérer peu efficace dans la pratique. Ainsi, beaucoup d’écoles des pays pauvres ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur en raison de facteurs exogènes qu’elles ne peuvent maîtriser. Au Tadjikistan, par exemple, de nombreuses écoles ne sont pas correctement chauffées en hiver en raison du sous-financement, bien que cela soit exigé par la réglementation.
Le respect de la réglementation est traditionnellement évalué dans le cadre d’inspections scolaires, dont l’efficacité dépend des compétences de l’inspecteur(trice). Plusieurs recherches indiquent que les directions d’établissement qui se sentent vraiment tenues de rendre des comptes dans le cadre des inspections prennent des mesures pour améliorer leurs performances.
Beaucoup d’établissements scolaires privés des pays pauvres ne sont pas soumis à la réglementation
L’enseignement privé est de plus en plus répandu. Le nombre de pays dont plus de 20 % des élèves fréquentent un établissement privé a augmenté entre 2005 et 2015 (figure 5). Dans certains pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud, de nombreuses écoles privées ne sont pas soumises à la réglementation. C’est le cas notamment des établissements moins chers fréquentés par les populations pauvres et dont le nombre a augmenté trop rapidement pour qu’ils puissent être encadrés par l’État. Certains établissements préfèrent ne pas se déclarer pour échapper à des règles trop contraignantes. La réglementation des écoles privées pour améliorer l’équité exige une action concertée.
La fragilité de l’environnement réglementaire est particulièrement problématique en cas d’essor rapide de grandes institutions privées. Par exemple, Bridge International Academies possède plus de 500 établissements dans 5 pays. Des inspections au Kenya et en Ouganda ont révélé la présence d’enseignants non qualifiés, d’infrastructures inadaptées, et l’utilisation de programmes scolaires non autorisés, tandis que les tribunaux ont appuyé les ministères dans leur décision de fermer plusieurs de ces établissements.
Accorder la priorité à la qualité de l’éducation est pertinent, mais difficile à mettre en oeuvre
L’inspection cherche désormais à évaluer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage pratiqués dans les écoles, plutôt que la conformité vis-à-vis des normes réglementaires, une tendance qui s’observe notamment dans les pays riches. Cependant, cette fonction d’appui est difficile à mettre en oeuvre efficacement. Les systèmes d’inspection des pays pauvres disposent de ressources et de capacités limitées. En Afrique du Sud, les superviseurs se sont opposés à la réforme de l’inspection, en partie à cause des souvenirs liés aux inspections menées du temps de l’apartheid. L’amélioration du système d’inspection constitue souvent un travail de longue haleine. C’est le cas de l’Angola où, en 2015, seuls 45 % des inspecteurs avaient reçu une formation au sujet des réformes entreprises en 2010.
L’assurance qualité dans l’éducation de la petite enfance se concentre sur les aspects facilement observables
En dépit de la place importante qu’occupe l’éducation de la petite enfance dans le développement global de l’enfant, l’Approche systémique pour de meilleurs résultats éducatifs (SABER) mise au point par la Banque mondiale, montre qu’entre 2010 et 2015, seuls 14 pays à revenu faible et intermédiaire sur 34 avaient adopté des normes relatives à l’éducation de la petite enfance, ainsi que des systèmes de suivi de la conformité.
L’assurance qualité tend à s’attarder sur les éléments opérationnels facilement quantifiables et observables, tels que les infrastructures ou le ratio élèves/enseignant. Les pays ont quand même souvent des difficultés à mener un suivi systématique de la conformité, comme à Belize, en Indonésie, au Népal et au Swaziland.
D’autres systèmes tentent d’évaluer les aspects plus subtils de l’enseignement. Au Chili, les éducateurs de toutes les écoles municipales sont évalués tous les quatre ans à l’aune des normes du Cadre pour un enseignement de qualité. Cette méthode comprend une auto-évaluation, des observations externes, une évaluation par les pairs, ainsi qu’un dossier. Les enseignants auxquels est attribuée la mention « Insatisfaisant » font l’objet d’une nouvelle évaluation l’année suivante et sont rayés de la profession si aucun progrès n’est constaté.
Plusieurs outils, tels que l’Échelle d’évaluation de l’environnement de la petite enfance, permettent d’évaluer la qualité des échanges entre les enseignants et les élèves. Conçue aux États-Unis, où son utilisation est très répandue, cette échelle a été adaptée pour être utilisée dans d’autres pays à revenu élevé, notamment en Allemagne et en Italie.
Les mesures directes en faveur du développement de la petite enfance permettent d’améliorer les procédures d’assurance qualité. L’étude longitudinale Growing Up in Scotland (Grandir en Écosse), menée auprès de 14 000 enfants répartis en trois cohortes, vise à étudier le lien entre les expériences de la petite enfance et les résultats ultérieurs. Les conclusions de l’étude sont ensuite intégrées dans les réformes des politiques publiques relatives à la protection et à l’éducation de la petite enfance.
L’apport des communautés, en particulier des parents, est essentiel pour garantir la qualité des soins à la petite enfance. En France, la Caisse nationale des allocations familiales publie chaque année un baromètre de satisfaction à partir d’enquêtes menées auprès des parents. Les représentants des parents élus par leurs pairs contribuent aux travaux de la commission Petite enfance du Conseil général.
Seuls 14 pays à revenu faible et intermédiaire sur 34 avaient adopté des normes relatives à l’éducation de la petite enfance, ainsi que des systèmes de suivi de la conformités
Les dispositifs d’assurance qualité dans l’enseignement supérieur reflètent la diversité des objectifs
La responsabilité de l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur est assignée à un ou plusieurs organismes nationaux, conformément au cadre juridique national, bien que de nombreux pays à faible revenu soient encore dépourvus de système national. Les dispositions régionales, telles que la Convention de Lisbonne, ont favorisé l’apparition de systèmes d’assurance qualité nationaux et l’intégration des normes régionales dans le droit national.
L’évaluation de l’assurance qualité comprend les mesures suivantes : élaboration de normes, auto-évaluation institutionnelle, examen externe par des spécialistes et des pairs, rapports d’évaluation et procédures d’appel.
Les ressources, les activités et les résultats de l’enseignement supérieur sont soumis à des normes, obligatoires ou conseillées. Ainsi, en Chine, les normes relatives à l’évaluation qualitative de l’enseignement supérieur de premier cycle comprennent 19 indicateurs dans 8 domaines principaux : mission de l’université ; corps enseignant ; infrastructures ; programme d’études ; gestion ; environnement de travail ; axes d’apprentissage ; programmes principaux.
Les organismes d’assurance qualité rendent des comptes par le biais de rapports annuels, de bases de données, de registres régionaux et internationaux, et de centres d’information nationaux. Le Réseau international des agences d’assurance qualité dans l’enseignement supérieur publie un manuel de bonnes pratiques pour favoriser la reddition de comptes et la transparence. Dix-huit membres, du Costa Rica aux Émirats arabes unis, sont conformes aux lignes directrices relatives aux bonnes pratiques. Cependant, pour une grande partie, le contenu des rapports sur la reddition de comptes dans l’enseignement supérieur ne fait pas l’objet d’une large diffusion en dehors des cercles spécialisés.
Les cadres réglementaires transfrontaliers relatifs à l’enseignement supérieur visent avant tout à soutenir le corps institutionnel. Les étudiants étrangers ignorent souvent leurs droits et il ne leur est pas toujours facile d’accéder aux informations. Les pays doivent surtout repérer les prestataires peu recommandables, mettre en garde le public, et inciter les organisations étudiantes à faire connaître les prestataires de qualité.
De nombreux programmes boursiers informent régulièrement leurs donateurs des investissements réalisés. Cependant, ces comptes rendus seraient d’une plus grande utilité s’ils informaient également en temps voulu les étudiants, les familles et les universités. Les études longitudinales, qui permettent de mesurer l’incidence des programmes et de recueillir les observations des professeurs et des étudiants, sont utiles. À titre d’exemple, la Commission des bourses du Commonwealth au Royaume-Uni réalise des enquêtes auprès des récipiendaires en vue d’orienter la conception des nouveaux programmes.
L’assurance qualité dans l’enseignement supérieur comprend l’élaboration de normes, l’auto-évaluation institutionnelle, l’examen externe par des spécialistes et des pairs, des rapports d’évaluation et des procédures d’appel
Les gouvernements doivent garantir l’accessibilité financière de l’enseignement supérieur
Le taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur augmente régulièrement en raison de la hausse du taux de progression des étudiants et du nombre d’étudiants à mi-temps.
Les gouvernements s’appuient sur les cadres législatifs nationaux pour favoriser l’équité et l’accessibilité financière de l’enseignement supérieur. Mais rares sont ceux qui, à l’image de l’Équateur, de la Grèce et de la Tunisie, garantissent l’accès universel à l’enseignement supérieur. De nombreuses lois garantissant l’accès à l’enseignement supérieur, notamment au Brésil et en République démocratique populaire lao, interdisent la discrimination et soutiennent l’accès des groupes minoritaires et défavorisés.
Face à la hausse de la demande dans l’enseignement supérieur, les autorités ont transféré aux individus une partie des coûts financiers, soit en majorant les frais de scolarité, soit en favorisant les prestations dans le secteur privé. Cette seule démarche ne suffit pas à garantir l’accessibilité financière, même en l’absence de frais de scolarité. Sans appui complémentaire, l’accès universel gratuit risque de continuer à subventionner les populations aisées. C’est le cas aux Philippines, où les universités publiques attiraient les étudiants des milieux aisés avant même la suppression des frais de scolarité en 2016.
Les frais de scolarité devraient se doubler de programmes d’aide financière, tels que des bourses, des prêts ou des avantages fiscaux. Les étudiants au revenu modeste peuvent bénéficier d’une aide au remboursement de leurs prêts, afin de rendre l’offre plus accessible. Certes, il est essentiel de cibler les populations à faible revenu. Toutefois, le processus de vérification peut s’avérer complexe lorsque la mesure du revenu des ménages manque de fiabilité, comme c’est le cas dans de nombreux pays à faible revenu.
Les frais de scolarité devraient se doubler de programmes d’aide financière, tels que des bourses, des prêts ou des avantages fiscaux
Les prestataires de formation et les organismes de certification des compétences doivent rendre des comptes aux participants et aux employeurs.
La présence d’un système d’assurance qualité fiable en matière de développement des compétences professionnelles favorise la responsabilité des autorités et des prestataires de services vis-à-vis de leurs pairs et des bénéficiaires (travailleurs, employeurs, etc.).
Les systèmes de qualification du développement des compétences doivent se doter d’une gouvernance cohérente et énoncer clairement leurs objectifs dans un cadre conjoint. Entre autres méthodes, le fait d’élaborer ce cadre en collaboration avec les employeurs et les partenaires sociaux permet de faire converger la demande du marché du travail et l’offre des prestataires. Cette approche est cependant parfois difficile à mettre en oeuvre, comme ce fut le cas en Pologne et en Tunisie.
Les prestataires de formation privés – dont le nombre est en augmentation – devraient se conformer aux normes et procédures réglementaires avant toute accréditation ou mise en service. L’accréditation est une procédure d’assurance qualité semblable à celle pratiquée dans l’enseignement supérieur : des instances publiques ou professionnelles généralement extérieures attestent le respect des normes par les prestataires.
L’Inde a mis au point un ambitieux programme de développement des compétences pour former 400 millions de personnes d’ici 2022. Le pays doit assurer la transparence de la procédure de certification, garantir aux participants le plein bénéfice de la formation, enregistrer les candidats grâce à un identifiant unique, et empêcher toute sous-traitance illégale aux prestataires non accrédités. L’État doit également protéger les participants contre les fausses promesses d’emploi en échange d’argent. En Australie, le Sénat a mené une enquête sur la sincérité des stratégies marketing déployées par des prestataires de formation privés auprès de candidats potentiels (notamment de milieux défavorisés) quant à la valeur réelle des qualifications obtenues.
L’intégralité des programmes d’alphabétisation et de numératie destinés aux adultes et enregistrés dans une base de données de l’UNESCO recensant plus de 200 études de cas a mené quelques activités de suivi et d’évaluation
Le suivi favorise l’obligation de rendre des comptes dans les programmes d’alphabétisation des adultes
La diversité des programmes d’alphabétisation et de numératie destinés aux adultes, des prestataires, des flux de financement et des objectifs perçus ne facilite pas la démarche de reddition de comptes. Cependant, les pays sont de plus en plus nombreux à fixer des normes de qualité et des attentes de résultats. La mise en place de systèmes de suivi se généralise. L’intégralité des programmes d’alphabétisation et de numératie destinés aux adultes et enregistrés dans la base de données de l’UNESCO des pratiques efficaces d’alphabétisation et de numératie, laquelle recense plus de 200 études de cas, a mené quelques activités de suivi et d’évaluation, généralement dans le cadre de la gestion et de la mise en oeuvre des programmes.
Le recueil de données financières aide les gouvernements à garantir la responsabilité des prestataires privés en matière de qualité et d’affectation des ressources. En Afrique du Sud, le programme d’alphabétisation Kha Ri Gude (Apprenons) a confié à une société privée la gestion de la comptabilité, l’établissement des rapports, ainsi que la mise à jour des bases de données du système d’information sur la gestion relatives aux participants et aux éducateurs. La rémunération des enseignants est fonction des données communiquées sur les dépenses et sur la fréquentation. Selon un audit réalisé en 2016, les bénévoles auraient été indemnisés pour un nombre d’apprenants supérieur à celui qu’ils avaient déclaré.
Le suivi des résultats des programmes d’alphabétisation peut contribuer à favoriser la reddition de comptes. Plusieurs méthodes sont envisageables, notamment les évaluations de terrain (Pakistan) ou des approches formatives et sommatives, telles que les devoirs sur table, les présentations orales ou les auto-évaluations.
Les pays à revenu élevé s’appuient généralement sur des cadres et des outils d’évaluation nationaux et normalisés, parfois financés par l’État (États-Unis). Certains pays à revenu intermédiaire (Mexique, République islamique d’Iran) diffusent uniquement les résultats des examens finaux générés automatiquement pour chaque district. D’autres pays laissent aux facilitateurs scolaires le soin d’élaborer les évaluations formatives et sommatives et ne recueillent pas systématiquement les données aux fins d’analyse. Enfin, certains programmes ne se contentent pas d’évaluer les acquis sur la seule base de l’alphabétisation. En France, l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme évalue également l’autonomie, la confiance en soi, la motivation, les interactions de la vie quotidienne et le développement cognitif des apprenants.
L’UTILISATION DES DONNÉES D’APPRENTISSAGE POUR GARANTIR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTABLISSEMENTS EST COÛTEUSE…
Les gouvernements s’intéressent de plus en plus aux résultats d’apprentissage à l’échelle des individus et des établissements. En théorie, ces informations doivent permettre aux responsables de l’éducation aux niveaux national, infranational et des établissements de prendre des décisions reposant sur des données factuelles, à condition que ces dernières soient de qualité et que la prise de décision soit indépendante et dépourvue de tout intérêt politique.
Les résultats des évaluations sommatives sont utilisés à l’échelle individuelle (décisions relatives à l’admission et à la progression des élèves), institutionnelle (comparaison des établissements pour repérer les améliorations possibles) et systémique (contrôle du respect des normes).
L’utilisation des données d’apprentissage individuelles diffère selon les pays. Certains, comme le Japon, se concentrent sur les examens nationaux. Ces derniers permettent de déterminer la progression entre les niveaux pour une année donnée, mais n’autorisent pas la comparaison des apprentissages dans le temps.
D’autres pays évaluent les résultats d’apprentissage selon des modalités standardisées. L’Angleterre possède un système d’évaluation des acquis riche et complexe adossé à des normes nationales. Les modalités d’évaluation des élèves sont particulièrement élaborées et complétées par un dispositif d’évaluation externe. Les données recueillies permettent aux inspecteurs de préparer les visites d’établissement, d’informer les parents, d’aider la direction scolaire à établir des objectifs, de repérer les élèves ayant besoin d’un soutien supplémentaire, et d’appuyer le suivi de la performance par les autorités locales et nationales, aux fins de reddition de comptes.
Les domaines d’apprentissage évalués varient selon les pays. Certains se concentrent exclusivement sur la langue et les mathématiques, d’autres englobent davantage de matières. Il en va de même pour les informations générales relatives aux institutions scolaires et aux élèves recueillies aux fins d’analyse comparative contextuelle. En Australie, les données générales sur les établissements (situation financière, structure démographique et avantage socio-éducatif) sont publiées sur le site Internet My School. Au Danemark, l’Agence pour l’éducation et la qualité a mis en place un baromètre du bien-être des élèves.
La gestion des données liées aux résultats d’apprentissage peut s’avérer épineuse pour les systèmes éducatifs et même les pays à revenu élevé doivent se garder scrupuleusement de toute interprétation hâtive
Les systèmes éducatifs ont parfois des difficultés à gérer des données aussi nombreuses et même les pays à revenu élevé doivent se garder scrupuleusement de toute interprétation hâtive, en tenant compte du contexte socioéconomique des établissements et des élèves, et de leur progression à long terme. Les pays sont de plus en plus nombreux à instaurer de telles mesures à valeur ajoutée. Mais celles-ci manquent parfois de précision et les constats dressés à partir de ces informations doivent être traités avec prudence.
Ces difficultés se font particulièrement sentir dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La production de données comparables et fiables sur les résultats coûte cher et nécessite un investissement potentiellement prohibitif pour acquérir les capacités requises. Ces pays se concentrent généralement sur les résultats des examens finaux, plutôt que sur les comparaisons par rapport à des seuils. En Jordanie, l’examen national évalue chaque niveau tous les trois ans, mais les sujets changent régulièrement, ce qui empêche toute comparaison des résultats dans le temps. Les rapports publiés comprennent essentiellement des tableaux descriptifs, sans analyse des politiques d’éducation. Les enseignants doivent étudier seuls les données, bien qu’ils soient censés recevoir une aide pédagogique.
… ET SELON LES DONNÉES, L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES AXÉE SUR LES PERFORMANCES N’AMÉLIORE PAS NÉCESSAIREMENT LA QUALITÉ DE L’ÉDUCATION
Selon une enquête portant sur 101 systèmes éducatifs, 51 publient les résultats des épreuves, dont 17 les utilisent pour sanctionner ou récompenser l’établissement et l’équipe éducative. Cependant, des facteurs non maîtrisables par l’établissement influencent fortement les résultats des examens.
Rien ne prouve avec certitude que les sanctions attribuées aux établissements en fonction du taux de réussite aux examens aient un quelconque bienfait sur l’apprentissage. Les statistiques ne montrent généralement aucun avantage, ou alors très faible. Aux États-Unis, la loi en faveur de l’éducation « No Child Left Behind », qui menaçait de fermer les écoles en situation de sous-performance, s’est soldée par une très faible amélioration des résultats scolaires. En revanche, elle a creusé l’écart du taux de réussite entre populations noires et blanches et contribué à appauvrir les programmes scolaires, notamment dans les écoles en situation de sousperformance, les établissements accordant la priorité aux matières évaluées.
Certains établissements peuvent tenter de s’adapter de manière négative aux systèmes de reddition de comptes axés sur la performance, en manipulant le système, en se soustrayant aux sanctions ou en évitant les réformes à long terme.
Des pratiques préjudiciables, telles que le remaniement des groupes d’examen, l’allégement des programmes, la seule préparation aux examens et la triche, ont été signalées en Australie, au Chili, en République de Corée et ailleurs. Elles touchent plus durement les établissements et les élèves défavorisés.
Certains établissements peuvent tenter de s’adapter de manière négative aux systèmes de responsabilité axés sur la performance, en manipulant le système, en se soustrayant aux sanctions ou en évitant les réformes à long terme
LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ DE L’ÉDUCATION RISQUE DE CREUSER LES ÉCARTS SOCIAUX
La concurrence est susceptible de favoriser l’obligation de rendre des comptes. En effet, le fait que les parents puissent choisir l’établissement de leur enfant incite les écoles à se dépasser pour attirer davantage d’élèves.
Les informations concernant les écoles doivent être publiées dans un format accessible, afin que le marché de l’éducation puisse fonctionner et que les parents puissent choisir l’établissement de leur enfant. Les pays à revenu élevé et intermédiaire publient généralement les résultats des élèves aux examens. En revanche, dans les pays pauvres, ces informations sont difficilement accessibles ou compréhensibles pour le public cible. Ainsi, en République-Unie de Tanzanie, les livrets scolaires en ligne sont-ils rarement consultés en raison du faible taux d’accès à Internet. Au Kenya, 72 % des parents ne savaient pas comment interpréter les données relatives à l’alphabétisme et la numératie.
Plusieurs pays à revenu élevé et intermédiaire se sont efforcés de mettre en place un marché de l’éducation. Le nombre de politiques publiques relatives au choix des établissements a augmenté dans plus de deux tiers des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au cours des 25 dernières années. Les données suggèrent toutefois que celles-ci profitent davantage aux populations aisées. Les parents effectuent souvent leur choix selon des critères tels que la composition démographique, ce qui risque de fragiliser la diversité et de creuser les écarts socioéconomiques.
En Finlande, ce sont surtout les familles instruites, dont les enfants excellent à l’école, qui choisissent leur établissement. À Santiago du Chili, seul un quart des parents d’élèves inscrits au cours primaire choisissaient l’établissement le plus performant de leur liste, et près de 70 % prenaient uniquement en compte l’affiliation religieuse de l’établissement.
Les programmes de coupons permettent d’équilibrer la répartition des élèves, mais n’ont qu’une incidence mitigée sur l’enseignement. En Colombie, la distribution de coupons dans les quartiers défavorisés a permis d’améliorer le taux de scolarisation dans les écoles privées, ainsi que le taux de réussite et de diplôme chez les bénéficiaires. Toutefois, la mise à disposition universelle des coupons et l’autorisation accordée aux écoles d’augmenter leurs frais de scolarité risquent de creuser les inégalités d’accès, sans pour autant améliorer les performances scolaires. Un autre programme de coupons universels mené en Suède aurait contribué à accroître la ségrégation. Au Chili, où le système est extrêmement stratifié, les coupons ont favorisé la sélection de jeunes doués ou de milieux aisés. Les réformes entreprises en 2008 pour favoriser une sélection plus équitable n’ont guère eu d’effet.
LES COMMUNAUTÉS PEUVENT CONTRIBUER À L’AMÉNAGEMENT ET AU SUIVI DES POLITIQUES ET DES PRATIQUES EN MILIEU SCOLAIRE
La mise en demeure des institutions scolaires par les communautés permet d’améliorer la responsabilité sociale, la réactivité et l’efficacité des établissements. Les communautés concentrent généralement leur suivi sur les infrastructures, la présence du personnel et l’affectation des ressources. On notera toutefois que les interventions ponctuelles risquent de n’avoir qu’un court effet. En Éthiopie, les partenariats de collecte de données et de dialogue communautaire noués entre les pouvoirs publics et les communautés ont donné de bons résultats. L’insuffisance des ressources mobilisées peut néanmoins mettre en péril la stabilité de telles initiatives.
Les acteurs communautaires s’investissent dans la gestion participative des écoles (GPE), laquelle transfère le pouvoir décisionnel et la responsabilité aux parties prenantes locales. La GPE a permis d’améliorer les taux de réussite et de fréquentation scolaire dans plusieurs pays, notamment en Indonésie et au Mexique. Certaines initiatives de GPE ont toutefois pâti de réticences vis-à-vis du partage des responsabilités avec les communautés, comme à Hong Kong, en Chine. Il arrive également que certains groupes communautaires marginalisés soient non représentés. Au Népal, plusieurs comités de GPE étaient largement dominés par les élites.
Les parents choisissent souvent l’établissement de leur enfant selon des critères tels que la composition démographique, ce qui risque de fragiliser la diversité et de creuser les écarts socioéconomiques